I/ DROIT BANCAIRE

1) La responsabilité de la banque pour soutien abusif se limite à réparer l'insuffisance de l'actif qu'elle a contribué à créer

Cass. com., 6 juill. 2010, n° 09-15.253, n° 09-69.053, n° 09-67.351 et n° 09-71.856, F-D,

La Cour de cassation rappelle qu'une banque dont la faute est reconnue sur le fondement de l'article 1382 du Code civil pour soutien  abusif n'est tenue de réparer que le préjudice qu'elle a engendré et ne peut être tenue de payer l'intégralité de l'insuffisance d'actif enregistrée par la société débitrice. Doit donc être cassé, pour violation de l'article 1382 du Code civil applicable à l'époque des faits, l'arrêt de cour d'appel qui a condamné in solidum deux banques à payer l'intégralité du passif en raison de leurs concours financiers qui ont permis à la société de poursuivre une activité constamment déficitaire pendant sept exercices.

 

2) La situation irrémédiablement compromise d'une société s'apprécie à la date du prêt qui lui est consenti

Cass. com., 11 mai 2010, n° 00-12.906 et n° 09-13.347, F-D,

Pour condamner une banque sur le fondement du soutien  abusif, la cour d'appel doit établir que le crédit consenti ne pouvait conduire qu'à la ruine de l'entreprise.

La situation irrémédiablement compromise d'une société s'apprécie à la date du prêt qui lui est consenti. La cour a constaté qu'après avoir assuré le remboursement du prêt jusqu'en 1995, la SCI n'a été mise en redressement judiciaire qu'en 2003, l'arrêt ne pouvait considérer qu'au moment du prêt la situation de l'emprunteur était irrémédiablement compromise.

La banque qui a fautivement retardé l'ouverture de la procédure collective de son client n'est tenue de réparer que l'aggravation de l'insuffisance d'actif qu'elle a contribué à créer et non le montant des créances déclarées.

3) TEG: Sanctions du non-respect des exigences légales

Lorsque le crédit est soumis au droit de la consommation, le non-respect des exigences légales est sanctionné par une déchéance appréciée par le juge en cas de crédit mobilier et automatique s'il s'agit d'un crédit immobilier. Si la déchéance est prononcée, il n'y a pas substitution du taux légal au TEG erroné.

La sanction pénale est prévue par l'article L. 313-2 du Code de la consommation.

S'agissant des crédits non soumis à des dispositions spécifiques, le Code civil ne précise pas la sanction applicable en cas de non-respect de l'exigence d'une mention écrite du taux. La sanction aurait pu être la nullité du prêt mais elle est à la fois excessive et inappropriée puisqu'elle offrirait au prêteur la possibilité de solliciter immédiatement le remboursement des sommes avancées. Très vite la sanction qui s'est imposée est celle de la nullité affectant la seule stipulation relative à l'intérêt.

La nullité ne sanctionne pas véritablement un vice du consentement. Elle sanctionne le non-respect d'un formalisme de protection (Cass. com., 10 juin 2008 : JurisData n° 2008-044316 ; D. 2008, p. 2202, obs. Y. Gérard et P. Pinot).

Les dispositions consacrées au TEG étant imposées dans l'intérêt de l'emprunteur, la nullité ne pouvait être que relative (Cass. 1re civ., 21 janv. 1992 : JCP G 1992, I, 3591, p. 267, obs. M. Fabre-Magnan. - Cass. 1re civ., 14 juin 2007 : JurisData n° 2007-039524 ; JCP E 2007, 2377, obs. N. Mathey)

Seul l'emprunteur peut donc agir.

La caution peut-elle se prévaloir de la nullité ? Il faut répondre par la négative dans la mesure où il s'agit d'une exception purement personnelle appartenant au seul débiteur principal.

La nullité entraîne la substitution au taux d'intérêt stipulé du taux légal tel qu'il est fixé par décret (Cass. com., 4 mai 1993 : Bull. civ. 1993, IV, n° 162. - Cass. 1re civ., 24 juin 1981 : D. 1982, jurispr. p. 397, note M. Boizard ; JCP G 1982, II, 19713, note Vasseur ; RTD com. 1981, p. 809, obs. M. Cabrillac et B. Teyssié. - Cass. com., 9 avr. 2002 : JurisData n° 2002-014079 ; Banque et droit juill.-août 2002, n° 84, p. 46, obs. Th. Bonneau).

La solution est la même lorsque le taux est erroné (Cass. com., 17 janv. 2006 : JurisData n° 2006-040675 ; RD bancaire et fin. 2006, act. 55 ; RTD com. 2006, p. 460, obs. D. L. ; JCP E 2006, 2658, note N. Mathey. - Cass. 1re civ., 7 mars 2006 : JurisData n° 2006-032542 ; RD bancaire et fin. mai-juin 2006, act. 93, p. 16, obs. F. C. et T. S. - Cass. 1re civ., 5 juill. 2006 : JurisData n° 2006-034655. - Cass. 1re civ., 13 mars 2007 : JurisData n° 2007-037914. - Cass. 1re civ., 28 juin 2007 : JurisData n° 2007-039797).

En cas de nouvelle stipulation erronée, la nullité ne fait pas revivre la stipulation initiale (Cass. 1re civ., 27 févr. 2007, op. cit. : JCP E 2007, 2377, obs. N. Mathey).

Si le prêt est indexé, l'indexation faisant partie intégrante de la stipulation d'intérêt, la clause d'indexation ne peut s'appliquer au taux légal substitué au taux conventionnel (Cass. 1re civ., 22 juill. 1986 : Bull. civ. 1986, I, n° 219).

La nullité n'affecte que le taux conventionnel et n'affecte pas par exemple le recouvrement des cotisations d'assurance garantissant le remboursement du crédit (Cass. 1re civ., 19 sept. 2007 : JurisData n° 2007-040393).

L'emprunteur est en droit d'obtenir la restitution par la banque des sommes trop versées en remboursement du prêt en principal et intérêts à l'exclusion de tous les frais et accessoires liés au prêt (Cass. 1re civ., 13 mars 2007 : JurisData n° 2007-037914 ; Banque et droit sept.-oct. 2007, n° 115, p. 28, obs. Th. Bonneau).

Le prêteur n'a pas à rembourser les cotisations d'assurance.

Exceptionnellement, l'omission du TEG peut justifier la nullité du contrat si l'emprunteur démontre que s'il avait connu le taux réel, il n'aurait pas contracté (Cass. com., 12 juill. 2005 : Bull. civ. 2005, IV, n° 83).

La nullité intervient en premier lieu en l'absence de mention du TEG. L'exigence d'un écrit concernant la stipulation d'intérêts et le TEG est une condition de validité de la stipulation d'intérêts. Le non-respect est sanctionné par la nullité de cette dernière (Cass. civ., 21 janv. 1992 : Bull. civ. 1992, I, p. 14. - Cass. 1re civ., 22 janv. 2002 : JurisData n° 2002-012663 ; Banque et droit mai-juin 2002, n° 83, p. 50, obs. Th. Bonneau. - Cass. 1re civ., 28 juin 2007 : JurisData n° 2007-039756 ; Banque et droit sept.-oct. 2007, n° 115, p. 28, obs. Th. Bonneau).

La nullité intervient en second lieu en cas de TEG erroné. La stipulation d'un TEG erroné est assimilée à l'absence de TEG (Cass. com., 17 janv. 2006, préc. : JurisData n° 2006-031798 ; RD bancaire et fin. mars-avr. 2006, act. 55, p. 14, obs. T. Samin et F. Crédot ; D. 2006, act. jurispr., p. 439, obs. V.A.R. ; Banque mag. juin 2006, n° 681, p. 95, note J.-L. Guillot et M. Boccara. - Cas d'un taux appliqué à une année de 300 jours, Cass. 1re civ., 28 juin 2007 : JCP E 2007, 2377, obs. N. Mathey. - Cass. 1re civ., 27 févr. 2007 op. cit.).

Il s'en déduit que si le taux pratiqué est supérieur à celui mentionné, l'emprunteur n'a pas simplement droit à restitution du trop perçu.

Délai pour agir en nullité - Le non-respect du formalisme étant sanctionné par une nullité relative, en application de l'article 1304 alinéa 1 du Code civil, le délai pour agir en nullité est de cinq ans. La solution s'applique en l'absence de TEG et en présence d'un TEG erroné.

Le point de départ de la prescription de l'action en nullité est s'agissant d'un prêt, la date de la convention (Cass. com., 14 juin 2007, op. cit. - Cass. com., 10 juin 2008 : JurisData n° 2008-044313 ; JCP E 2008, 2221, note A. Gourio et N. Aynès ; Banque et droit sept.-oct. 2008, p. 28, obs. Th. Bonneau ; RD bancaire et fin. juill.-août 2008, comm. 103, obs. F. Crédot et T. Samin).

Dans les autres cas, pour les concours financiers pour les besoins de l'activité professionnelle le point de départ est la réception de chacun des écrits indiquant ou devant indiquer le TEG appliqué. Les autres cas sont les hypothèses dans lesquelles les éléments composant le TEG ne sont pas connus ab initio. La solution vaut ainsi pour les crédits à taux variable et pour les crédits en compte-courant. S'agissant de ce dernier, il faut tenir compte de la double exigence de mention concernant le taux indicatif et le taux appliqué. Aussi, c'est à la réception du relevé de compte sur lequel ne figure pas le taux effectif global ou sur lequel figure un taux effectif global erroné que court le délai de cinq ans. Le délai ne court plus à compter de l'expertise révélant le caractère erroné du TEG. Le délai commence également à courir en matière de découvert en compte-courant lorsque le TEG n'est pas mentionné sur les relevés de compte.

La même solution s'applique lorsque le TEG ne figure pas ou est erroné. La même solution veut que l'emprunteur invoque l'erreur par voie d'action ou d'exception (Cass. com., 10 juin 2008, op. cit.).

La limitation, s'agissant de l'exception, ne vaut que pour les contrats n'ayant pas reçu un commencement d'exécution (Cass. 1re civ., 1er déc. 1998 : Defrénois 2001, art. 37441, p. 1433, obs. R. Libchaber. - Cass. 1re civ., 19 juin 2008 : JurisData n° 2008-044441. - Cass. com., 10 juin 2008 : JurisData n° 2008-044313. - CA Lyon, 5 juin 2008 : JurisData n° 2008-371498).

S'agissant des autres, l'exception de nullité a toujours un caractère perpétuel. Le commencement d'exécution se déduit du paiement des intérêts dans le cadre du compte-courant. Depuis que le prêt est un contrat consensuel, c'est la remise des fonds qui révèle le commencement d'exécution.

Les arrêts de la chambre commerciale tempèrent ainsi la solution admise par des arrêts précédents dont il se déduisait que le point de départ du délai était la connaissance de l'erreur par l'emprunteur (Cass. 1re civ., 7 mars 2006 : JurisData n° 2006-032542 ; D. 2006, act. jurispr., p. 913, V. A. R. ; RD bancaire et fin. 2006, act. 93, obs. F. C. et T. S. ; Banque mag. sept. 2006, n° 683, p. 97, note J.-L. Guillot et M. Boccara. - Cass. 1re civ., 14 juin 2007, préc. : JCP E 2007, 2377, obs. N. Mathey. - Cass. 1re civ., 3 juill. 2008 : JurisData n° 2008-044682. - CA Paris, 7 juill. 2006 : JurisData n° 2006-314707).

Or, cette connaissance pouvait intervenir tardivement. Désormais, il existe un point de départ indiscutable.

Pour les prêts consentis à des fins non professionnelles, la solution peut demeurer différente. En effet, pour la chambre civile, en cas d'omission du TEG le délai court à compter de la conclusion du contrat. En cas de TEG erroné, il faut tenir compte de la date de révélation du caractère erroné (Cass. 1re civ., 7 mars 2006, préc. : D. 2006, act. jurispr., p. 913, obs. V. Avena Robardet. - Cass. 1re civ., 14 juin 2007 op. cit. - Cass. 1re civ., 3 juill. 2008 : JurisData n° 2008-044682. - Cass. 1re civ., 13 nov. 2008 : JurisData n° 2008-045841. - CA Paris, 20 mars 2008 : JurisData n° 2008-371167. - CA Paris, 30 oct. 2008 : JurisData n° 2008-371936. - Cass. 1re civ., 8 janv. 2009 : JurisData n° 2009-046466). Or cette révélation peut intervenir tardivement par exemple à la suite d'un rapport d'expertise. La seule limite serait donc le délai de vingt ans prévu par le nouvel article 2232, alinéa 1 du Code civil.

Lorsque le prêt est soumis au droit spécial du crédit à la consommation, c'est le délai de dix ans prévu à l'article L. 110-4 du Code de commerce qui s'appliquait. Le délai est ramené à cinq ans depuis la loi du 17 juin 2008 réformant le droit de la prescription.

 

4) La prescription d'une action en responsabilité extra-contractuelle court à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation

Cour de cassation Chambre commerciale 7 Septembre 2010 N° 809, 09-10.453

La prescription d'une action en responsabilité extra-contractuelle court à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

L'arrêt attaqué retient que l'action devait être introduite dans les dix années qui ont suivi la connaissance par l'emprunteur des faits de soutien abusif invoqués comme générateurs de responsabilité, que le tribunal a, par jugement du 4 décembre 1996, ramené la date de cessation des paiements au 21 février 1995, observant que la carence des dirigeants avait laissé se poursuivre l'activité déficitaire de la société avec pour incidence directe la mise en place de financements coûteux pour l'entreprise, qu'il en découle que la société avait nécessairement connaissance dès le 21 février 1995 du prétendu soutien abusif reproché à la banque et que l'assignation délivrée à la banque le 8 septembre 2005 se heurte à l'expiration du délai de prescription décennale.

En se déterminant ainsi, sans rechercher à quelle date s'était manifesté le dommage causé aux créanciers de la société du fait de l'aggravation du passif de cette société causé par les crédits accordés par la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil et de l'article 2270-1 du Code civil  dans sa rédaction antérieure à la loi du 17 juin 2008 . .

5) Soutien abusif:  le nouvel article L. 650-1 du Code de commerce:

 « les créanciers ne peuvent être tenus pour responsables des préjudices subis du fait des concours consentis, sauf les cas de fraude, d'immixtion caractérisée dans la gestion du débiteur ou si les garanties prises en contrepartie de ces concours sont disproportionnées à ceux-ci. Pour le cas où la responsabilité d'un créancier est reconnue, les garanties prises en contrepartie de ses concours sont nulles ».


L. n° 2005-845, 26 juill. 2005 de sauvegarde des entreprises, art. 126 : Journal Officiel 27 Juillet 2005

S'agissant du premier cas de responsabilité possible, la fraude, il vise à éviter que des manoeuvres ne soient exercées par le créancier qui consentirait un crédit au débiteur dans un but autre que celui de maintenir l'activité de l'entreprise ou d'assurer sa pérennité, le législateur faisant application ici de l'adage « fraus omnia corrompit ». On peut citer comme exemples, le cas du prêteur qui entend, par ses concours, masquer la situation de son débiteur le temps de se dégager, ou la fraude du créancier qu'attesterait l'existence de pratiques telles que l'escompte d'effets fictifs ou de complaisance, la mobilisation par bordereau Dailly de factures ne correspondant pas à des créances réelles ou la circulation de traites de cavalerie, pratiques qui, en fait, rejoindront le premier exemple, en tant qu'elles peuvent n'avoir d'autre explication que la volonté du prêteur de masquer la situation irrémédiablement compromise de son débiteur le temps de se dégager au détriment des autres créanciers.

L'immixtion caractérisée du créancier dans la gestion du débiteur renvoie à l'hypothèse, particulièrement rare, dans laquelle le prêteur acquiert la qualité de dirigeant de fait en participant activement à la gestion du débiteur et en prenant seul des décisions importantes en ses lieu et place (sur le rappel de la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle ne peut être considéré comme gestionnaire de fait d'une entreprise que la personne dont il est établi qu'elle a « en fait exercé en toute indépendance une activité positive de direction dans la société ». - Cass. com., 12 juill. 2005, n° 02-19-860, FP-P+B+R, Mme Nicoud épse Dru : Juris-Data n° 2005-029487. - Cass. com., 12 juill. 2005, n° 03-14-045 et 03-15-855, FP-P+B+R, M. Maître et J.P. Maître : Juris-Data n° 2005-029479).

Le troisième cas sanctionnable, la prise de garanties disproportionnées par rapport aux concours consentis par le créancier, s'inscrit dans le même contexte d'anormalité patente du comportement du créancier, l'abus manifeste dans la prise de garanties pouvant révéler une parfaite connaissance par le créancier d'une situation irrémédiablement compromise du débiteur et la volonté de s'avantager par cet excès de garanties au détriment des autres créanciers, ce cas de « faute lourde » pouvant rejoindre le premier, la fraude du créancier. Ainsi que le Garde des Sceaux l'a déclaré lors des débats parlementaires, « il s'agit ici de viser les prises de garanties inhabituelles au regard de la pratique. Il va de soi que les crédits immobiliers qui sont consentis en échange d'une hypothèque sur la totalité du bien, alors qu'ils n'en financent qu'une partie, demeurent possibles puisque telle est la pratique » (déb. AN préc., p. 1791) (sur le principe de proportionnalité, V. D. Legeais, le cas du contrat de crédit avec constitution de garantie PA « existe-t-il un principe de proportionnalité en droit privé », 30 sept. 1998, n° 117, p. 38).

Dès lors que la responsabilité civile du créancier sera reconnue sur l'un des trois fondements précités, dans le respect de ses conditions (faute constituée par l'un de ces comportements, et dont le résultat devra avoir été la poursuite, au moyen des concours consentis, de l'activité d'une entreprise au mépris d'une situation irrémédiablement compromise, préjudice, lien de causalité), les garanties prises en contrepartie de ses concours seront, à titre de sanction complémentaire aux dommages-intérêts auxquels le créancier aura été condamné, considérées comme nulles, alors même, peut-on faire observer, que ces garanties n'auraient pas été disproportionnées par rapport aux crédits fautifs consentis.

Le nouvel article L. 650-1 du Code de commerce, dans sa rédaction nouvelle issue de l'article 126 de la loi de sauvegarde des entreprises, dont le Garde des Sceaux a également pu faire observer qu'« il constitue un juste équilibre entre la nécessité de ne pas décourager les apporteurs de crédit aux entreprises et les principes généraux du droit de la responsabilité » (déb. AN préc., p. 1791) est entré en vigueur le 1er janvier 2006 (L. préc., art. 190).

 

II/ DROIT IMMOBILIER, CONSTRUCTION

 

1) troubles anormaux de voisinage:

 

CA Paris, 4e pôle 4, 2e ch., 14 avr. 2010, Blondel c/ Farinet :

TGI Paris, 24 juin 2009  JurisData n° 2010-023228

Sont prohibés les actes des copropriétaires ayant pour conséquence de diminuer le niveau de confort de l'immeuble par rapport à ses caractéristiques constructives telles qu'existantes au moment de l'établissement du règlement de copropriété. Le niveau de confort de l'immeuble prime sur la réglementation en vigueur lorsqu'il est supérieur aux minima fixés par celle-ci. Engage sa responsabilité le copropriétaire qui a modifié le revêtement des sols (changement de la moquette par un parquet) de nature à entraîner une diminution du niveau de confort de son voisin par rapport aux caractéristiques constructives de l'immeuble, même en l'absence de non-conformité à la réglementation applicable à l'isolation acoustique. (1re espèce)

Les nuisances sonores provoquées par le grincement du parquet vétuste constituent des troubles anormaux de voisinage supportés par les copropriétaires de l'étage en dessous ; les copropriétaires responsables sont condamnés à exécuter les travaux indispensables pour mettre fins aux nuisances. (2e espèce)



2) Recouvrement des charges et loyers et immunité diplomatique:

Cass. 1re civ., 25 janv. 2005, n° 03-18.176, République Démocratique du Congo c/ Syndicat des copropriétaires de l'immeuble résidence Antony Châtenay : Juris-Data n° 2005-026629

Les États étrangers bénéficient, par principe, de l'immunité d'exécution. Il en va autrement lorsque le bien saisi se rattache, non à une activité de souveraineté, mais à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice.

L'immunité d'exécution dont bénéficient les États étrangers se justifie par l'idée de souveraineté et par la nécessité de ne pas priver un État des biens nécessaires à son activité de puissance étrangère. Ce principe a été posé par la jurisprudence depuis la fin du XIXe siècle (Cass. civ., 5 mai 1885, S., 1886, 1, p. 359) aussi bien pour les mesures d'exécution forcée que pour celles conservatoires.

Elle n'a plus un caractère absolu, compte tenu du fait que les États exercent de plus en plus fréquemment des activités qui relèvent du domaine privé.  Il serait choquant qu'ils puissent se soustraire à leurs obligations pour des opérations ne ressortissant pas de la puissance publique.

La Cour de cassation, par un arrêt du 25 janvier 2005 a réaffirmé cette règle (Cass. 1re civ., 25 janv. 2005 : D. 2005, p. 616, avis Sainte-Rose).

En l'espèce, la République démocratique du Congo avait acquis des biens immobiliers en France pour loger son personnel diplomatique. Elle a été condamnée par jugement définitif à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble une certaine somme, représentant le montant de charges impayées.

La République démocratique du Congo s'est pourvue en cassation en avançant deux arguments principaux, l'un relatif aux immunités d'exécution et l'autre relatif à la renonciation au bénéfice de cette immunité.

Les auteurs du pourvoi faisaient valoir que loger pour un État étranger, les agents dont il a besoin pour garantir le bon fonctionnement de sa représentation politique, administrative et militaire en France, et assurer, ainsi, l'efficacité et l'utilité de ses relations diplomatiques, ne constitue pas une activité économique ou commerciale.

La Cour rejette le pourvoi en indiquant que :

« selon les principes de droit international relatifs aux immunités, les États étrangers bénéficient, par principe, de l'immunité d'exécution ; qu'il n'en est autrement lorsque le bien saisi se rattache non à l'exercice de souveraineté, mais à une opération économique, commerciale ou civile relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice ».

 

Ce faisant, la Haute juridiction paraît reprendre une solution déjà posée à plusieurs reprises. (Cass. 1re civ., 14 mars 1984 : Bull. civ. 1984, I, n° 98 ; Rev. crit. dr. intern. 1984, p. 644, note Bischoff ; JDI 1984, p. 598, note Oppetit ; D. 1984, p. 629, rapport Fabre, note Robert ; JCP G 1984, II, 20205, concl. Gulphe, note Synvet ; Rev. arb. 1985, p. 69, note Couchez ; adde Ancel et Lequette, Les grands arrêts de la jurisprudence française de droit international privé, 2e éd., n° 59-60. - V. également Cass. 1re civ., 20 mars 1989 : Gaz. Pal. 1989, 2, 892, note S. Piedelièvre ; Rev. arb., 1989 653, note Fouchard ; JDI 1990, p. 1004, note Ouakrat).

L'achat d'un immeuble pour y loger des employés et le paiement des charges de copropriété en résultant sont de simples actes de gestion s'analysant en un comportement privé.

Pour la Cour de cassation, « ayant constaté que les biens en cause n'étaient pas affectés aux services de l'Ambassade, puis retenu que cette acquisition impliquait pour l'État du Congo le paiement des charges de copropriété de sorte que la créance du syndicat se rattachait à cette opération, la Cour d'appel » a légalement justifié sa décision.

Le principe de l'immunité subsiste toujours. Il appartient au créancier qui entend pratiquer une mesure d'exécution ou une mesure conservatoire de rapporter la preuve que les biens ne sont pas affectés à une activité de souveraineté.

Il est possible pour un État étranger de renoncer au bénéfice d'une immunité d'exécution. La pratique bancaire en fournit de nombreux exemples. Lorsque les établissements bancaires traitent avec certains États étrangers et leur consentent des prêts ou des avances, la renonciation par ces derniers à leur immunité d'exécution est souvent une des conditions exigées et prévues par l'accord de financement.

En ce cas, la renonciation est expresse. Elle peut également être tacite, car elle est alors certaine, lorsqu'elle résulte de l'exécution volontaire de la condamnation par un État étranger.


3) Notification de promesse de vente aux acquéreurs: attention aux couples mariés !

Cass., 3ème civ., 9 juin 2010, n° 09-14.503, P B


Si l'avis de réception de la lettre recommandée adressée à Monsieur et Madame porte la signature d'un seul époux, le délai de rétractation ne court par à l'égard de l'autre.

 

 4) La clause du bail transférant au preneur la charge des grosses réparations et celles du clos et du couvert, doit être interprétée restrictivement

 

Cass. Civ. 3ème 29 septembre 210 - rejet pourvoi n° 09-69 337)

 

"La clause du bail transférant au preneur la charge des grosses réparations et celles du clos et du couvert, doit être interprétée restrictivement et ne peut inclure la réfection totale de la toiture de l'un des bâtiments compris dans l'assiette du bail".

 

Les clauses relatives aux travaux sont d'interprétation stricte.

L'article 1720 du Code civil impose au bailleur de faire pendant la durée du bail les réparations nécessaires autres que locatives. Si les parties peuvent déroger par clauses contraires; celles-ci sont d'interprétation stricte.

 

Dans l'espèce de l'arrêt du 29/09/2010 la clause prévoyait la réfection de la toiture; la Cour ce Cassation a indiqué que celle clause ne visait pas la réfection totale de la toiture.

 

Il aurait donc fallu que la clause mentionne la réfection totale de la toiture pour recevoir application.

 

III/ DROIT DE LA RESPONSABILITE

 

IV/ VOIES D'EXECUTION ET MESURES CONSERVATOIRES

  

1)      Résistance abusive du débiteur dans l'exécution du titre exécutoire
Cass. 2e civ., 11 févr. 2010, n° 08-21.787

      Cass. 2e civ., 11 févr. 2010, n° 08-21.788


Le JEX a le pouvoir d'allouer des dommages-intérêts en cas de résistance abusive.

Après avoir retenu qu'un créancier disposait d'une ordonnance de référé exécutoire de plein droit par provision, une cour d'appel avait décidé que le débiteur ne pouvait pas ignorer la portée de cette ordonnance.

En choisissant de n'exécuter que la partie susceptible d'entraîner des conséquences financières néfastes pour lui en adoptant une attitude dilatoire pour le reste, le débiteur s'était mis en faute.

Le préjudice caractérisé, c'est à bon droit que les juges du fond ont condamné le débiteur au paiement de dommages-intérêts sur le fondement des articles 23 et 33 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991

2)      Saisie immobilière compétence du JEX:

L'article 12 de l'ordonnance n° 2006-461 du 21 avril 2006 (Journal Officiel 22 Avril 2006) a donné au juge de l'exécution compétence pour connaître de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle. Désormais, la compétence du juge de l'exécution est fixée par l'alinéa 3 de l'article L. 213-6 du Code de l'organisation judiciaire aux termes duquel :

Le juge de l'exécution connaît, sous la même réserve, de la procédure de saisie immobilière, des contestations qui s'élèvent à l'occasion de celle-ci et des demandes nées de cette procédure ou s'y rapportant directement, même si elles portent sur le fond du droit ainsi que de la procédure de distribution qui en découle.


La saisie immobilière et la distribution du prix constituent les deux phases d'une même procédure (Cass., avis, 16 mai 2008, n° 08003).

La compétence du juge de l'exécution est exclusive ; tout autre juge doit relever d'office son incompétence. Il peut être saisi avant le dépôt au greffe de l'assignation à comparaître à l'audience d'orientation.

Aux termes de l'article 49, alinéa 1er, du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 :

À l'audience d'orientation, le juge de l'exécution, après avoir entendu les parties présentes ou représentées, vérifie que les conditions des articles 2191 et 2193 du Code civil sont réunies, statue sur les éventuelles contestations et demandes incidentes et détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée.

Le juge de l'exécution vérifie si le créancier saisissant est muni d'un titre exécutoire constatant une créance certaine, liquide et exigible.

Il tranche les contestations et demandes incidentes, dont l'objet est des plus variés.

Il peut statuer sur les contestations relatives à la validité des déclarations de créance soulevées au cours de l'audience d'orientation (Cass., avis., 16 mai 2008, n° 08003 : JurisData n° 2008-043959 ; Procédures 2008, comm. 212), sur une demande de délais sur le fondement des dispositions de l'article 1244-1 du Code civil (CA Aix-en-Provence, 15e ch. A, 24 sept. 2008, n° 08/10585 : JurisData n° 2008-004978. - CA Paris, 8e ch. B, 22 mai 2008 : JurisData n° 2008-364434), sur des contestations relatives à l'opposabilité d'un bail antérieur au commandement (CA Paris, 14 janv. 2009, n° 08/18630), sur une contestation relative à la modification de la mise à prix (CA Bordeaux, 1re ch., 25 sept. 2007, n° 07/02044 : JurisData n° 2007-354028), sur des contestations portant sur la validité du titre exécutoire (CA Agen, 1e ch., 22 oct. 2008, n° 08/00011), sur des contestations relatives à l'incidence de l'ouverture d'une procédure collective (CA, Nîmes, 1e ch. B, 13 janv. 2009, n° 08/02753).

Il détermine les modalités de poursuite de la procédure, en autorisant la vente amiable à la demande du débiteur ou en ordonnant la vente forcée. C'est par une appréciation souveraine que le juge de l'exécution qui autorise la vente amiable s'assure, conformément à l'article 49 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006, qu'elle peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et des diligences éventuelles du débiteur (CA Paris, 8e ch. B, 19 juin 2008, RG n° 08/08348 : JurisData n° 2008-365476. - CA Paris, 8e ch. B, n° 08/08674, 12 juin 2008 : JurisData n° 2008-365474. - CA Bordeaux, 1re ch. A, 25 sept. 2007, n° 07/02044 : JurisData n° 2007-354028. - Cass. 2e civ., 10 sept. 2009, n° 08-70.204 : JurisData n° 2009-049382 ; Bull. civ. 2009, II, n° 212).

Compétence en cas d'autorisation de vente amiable - Les articles 54 et suivants du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 énumèrent les pouvoirs du juge de l'exécution, lorsque celui autorise la vente amiable. Aux termes de l'article 54 :

Le juge de l'exécution qui autorise la vente amiable fixe le montant du prix en deçà duquel l'immeuble ne peut être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente.

Le juge taxe les frais de poursuite à la demande du créancier poursuivant.

Il fixe la date de l'audience à laquelle l'affaire sera rappelée dans un délai qui ne peut excéder quatre mois.

À cette audience, le juge ne peut accorder un délai supplémentaire que si le demandeur justifie d'un engagement écrit d'acquisition et qu'à fin de permettre la rédaction et la conclusion de l'acte authentique de vente. Ce délai ne peut excéder trois mois.

 

Aux termes de l'article 58, alinéa 1er, du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 :

À l'audience à laquelle l'affaire est rappelée, le juge s'assure que l'acte de vente est conforme aux conditions qu'il a fixées et que le prix a été consigné. Il ne constate la vente que lorsque ces conditions sont remplies. Il ordonne alors la radiation des inscriptions d'hypothèque et de privilège prises du chef du débiteur.

À l'audience de rappel, le juge s'assure et contrôle la réalisation de la vente amiable conformément à ses prescriptions ; à défaut de pouvoir constater la vente amiable, le juge ordonne la vente forcée (TGI Pointe-à-Pitre, JEX, 2 juill. 2009, RG 08/00061).

Compétence pour ordonner la vente forcée - Le juge de l'exécution a compétence pour constater la carence du débiteur pour parvenir à la vente amiable et ordonner la reprise de la procédure en vente forcée (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 55 : Journal Officiel 29 Juillet 2006). Aux termes de l'article 58, alinéa 4 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 :

À défaut de pouvoir constater la vente amiable, le juge ordonne la vente forcée dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article 55.

Aux termes de l'article 59 du même décret :

Lorsque le juge de l'exécution ordonne la vente forcée, il fixe la date de l'audience à laquelle il y sera procédé dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter du prononcé de sa décision.

Le juge détermine les modalités de visite de l'immeuble à la demande du créancier poursuivant.


Compétence lors de l'audience d'adjudication - Le juge de l'exécution a compétence pour statuer sur la demande de report de l'adjudication (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 61). Aux termes de l'article 60, alinéa 2, du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 :

Si aucun créancier ne sollicite la vente, le juge constate la caducité du commandement de payer valant saisie...

Le juge de l'exécution autorise l'ouverture des enchères. Il statue sur les contestations et demandes incidentes soulevées, lesquelles peuvent porter sur une demande d'aménagement judiciaire de la publicité (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 70), le déroulement des enchères (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 72 et s.).

Compétence après l'audience d'adjudication - Le juge de l'exécution a compétence pour statuer sur la demande de paiement provisionnel du créancier de premier rang (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 85), sur la demande de radiation des inscriptions de l'adjudicataire (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 93), sur les contestations portant sur la validité de la surenchère (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 94 et s.), sur les contestations portant sur le certificat du greffe constatant que l'adjudicataire n'a pas justifié de la consignation du prix ou du paiement des frais taxés ou des droits de mutation (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 102 et s.), sur les demandes en réparation fondées sur l'exécution ou l'inexécution dommageable de la saisie, sur les contestations et demandes incidentes formulées postérieurement à l'adjudication, telle une demande de nullité du jugement d'adjudication.

 

 


Compétence dans le cadre de la distribution du prix - Le juge de l'exécution a compétence résiduelle dans le cadre de la distribution du prix de vente de l'immeuble dans le cadre d'une procédure d'exécution (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 111), la priorité étant donnée à la distribution amiable. Le juge de l'exécution a compétence pour statuer sur les contestations portant sur le refus de paiement du séquestre ou consignataire (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 112), sur les contestations portant sur le projet de distribution (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 116), sur la demande d'homologation du projet de distribution (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 117), sur la demande de force exécutoire du procès-verbal d'accord (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 119), sur la demande de distribution judiciaire (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 122 et s.), sur la demande de libération du débiteur (D. n° 2006-936, 27 juill. 2006, art. 125-1).

 

3)      La signification d'une saisie-attribution à la suite d'une première saisie toujours en cours n'a pas d'effet attributif.

Mais La nullité de la première saisie-attribution donne un effet attributif à la seconde qui prend rang à sa date.

CA Paris, 18 nov. 2004, 8e ch. section B, SA Natexis Banques populaires c/ SARL Berrebi et associés : Juris-Data n° 2004-268450

 

V/ ENTREPRISES EN DIFFICULTE

 

1)      Quel est le sort du prix de vente d'un fonds de commerce non encore réparti lors de l'ouverture de la procédure collective ?

Cass. com., 8 juin 2010, n° 09-68.591, 09-68.594 : JurisData n° 2010-008787

Le séquestre conventionnel d'un prix de vente de fonds a l'obligation de remettre le prix au liquidateur en raison de la caducité de la procédure de distribution en cours qui n'a pas un effet attributif antérieur au jugement de liquidation.


2)  Quelle va être l'incidence des procédures collectives sur le droit de poursuite des créanciers de l'indivision ?

Il faut distinguer selon que l'indivision existait avant l'ouverture de la procédure (a) ou qu'elle n'est apparue qu'après cette ouverture (b).

a)  L'indivision existait avant l'ouverture de la procédure

Lorsqu'un des indivisaires est l'objet d'une procédure collective l'arrêt des poursuites à l'égard de l'un des coïndivisaires n'écarte pas l'action des créanciers de l'indivision à l'égard des biens indivis.

Le fait que les créanciers de l'indivision conservent leur droit de poursuite découle de l'idée selon laquelle, par l'effet de l'article 815-17 du Code civil, ils disposent d'un gage particulier constitué par l'ensemble des biens indivis.

Le droit de poursuite des créanciers de l'indivision est donc en quelque sorte "hors procédure" car il s'exerce sur des biens que la procédure collective n'atteint pas.

Dès lors qu'une personne est créancière de l'indivision, elle peut saisir le bien indivis et se faire payer avant tout partage (C. civ., art. 815-17, al. 1. - Cass. 1re civ., 13 déc. 2005 : Bull. civ. 2005, I, n° 494 ; RJPF, févr. 2006, p. 22, obs. F. Vauvillé. - Cass. com., 18 févr. 2003 : Procédures 2003, comm. 149, obs. C. Laporte ; JCP N 2003, 1597, note F. Vauvillé ; Rev. proc. coll. 2003, p. 356, n° 4, obs. M.-P. Dumont ; D. 2003, somm. p. 1620, obs. P.-M. Le Corre).

Cette solution s'applique même si le liquidateur de l'un des indivisaires s'est fait autoriser par le juge-commissaire à vendre le bien (Cass. com., 20 sept. 2005 ; D. 2006, somm. p. 82, obs. P.-M. Le Corre ; Gaz. proc. coll. 2006/1, p. 43, n° 2, obs. F. Vauvillé ; Cass. com., 20 sept. 2005, n° 03-20.998, Gaz. proc. coll. 2006, p. 220, n° 2, obs. F. Vauvillé).

Les créanciers de l'indivision conservent leur droit de poursuite même en l'absence de déclaration de leur créance à la procédure collective (Cass. 1re civ., 13 déc. 2005, préc.). Mais le créancier qui poursuit une saisie immobilière doit non seulement effectuer les notifications prévues par la procédure de saisie immobilière mais également obtenir l'autorisation préalable du juge-commissaire en application des articles L. 643-2 et L. 642-18 du Code de commerce (Cass. 2e civ., 9 nov. 2006 : Procédures 2007, comm. 42, note J. Junillon).

Le liquidateur devra payer le créancier de l'indivision à concurrence de sa créance, sans pouvoir lui opposer l'existence de droits préférentiels. Ainsi, faute de texte contraire, les règles classiques de l'indivision doivent trouver application et la procédure collective s'efface devant l'indivision (JCl. Procédures collectives, fasc. 2706, par P.-M. Le Corre).

Les créanciers bénéficiant d'une hypothèque consentie par tous les indivisaires peuvent poursuivre la vente sur saisie de bien indivis, et être intégralement payés sur le prix avant tout partage. Peu importe que, postérieurement, l'un des indivisaires (en l'espèce des époux) soit mis en redressement judiciaire (Cass. 1re civ., 14 juin 2000 : Defrénois 2001, art. 37320, p. 368, note J.-P. Sénéchal ; Dr. et patrimoine 1/2001, p. 96, note M.-H. Monsérié-Bon ; D. 2001, p. 318, note J. Revel. - V. dans le même sens, Cass. com., 19 déc. 2000 : JurisData n° 2000-007473 ; Rev. pr. coll. mars 2001, p. 8, chron. F. Macorig-Vénier. - Cass. com., 6 juill. 1999 : Defrénois 2001, art. 37090, p. 42, obs. J.-P. Sénéchal ; D. 2000, somm. p. 395, obs. S. Piédelièvre. - Dans le même sens, CA Toulouse, 1er déc. 1997 : D. 1999, somm. p. 243, obs. J. Revel. - V. à propos de cette jurisprudence, F. Vauvillé, Indivision sur procédure collective vaut : JCP N 2000, p. 1357).

Le créancier doit cependant présenter requête au juge-commissaire dont l'ordonnance se substitue au commandement de droit commun (Cass. com., 22 avr. 1997 : JCP G 1997, IV, n° 1204 ; JCP E 1997, I, 681, n° 15, obs. Ph. Pétel ; Defrénois 1997, art. 36703, n° 165, note L. Aynès ; Defrénois 1998, art. 36745, n° 4, obs. J.-P. Sénéchal ; Dr. et patrimoine sept. 1997, p. 73, obs. M.-H. Monsérié ; Dr. et patrimoine, janv. 1998, p. 38 consultation par F. Vauvillé).

b)     Indivision apparue après l'ouverture de la procédure:

Si l'indivision est apparue après l'ouverture de la procédure collective, l'effet de saisie collective de la procédure collective emporte alors cette conséquence de soumettre tous les biens qu'elle frappe à celle-ci.

L'indivision apparue après l'ouverture de la procédure collective - par exemple celle résultant du décès du débiteur - restera en conséquence inefficace. Le liquidateur aura seul la possibilité de vendre le bien indivis, - sous réserve du jeu de l'article L. 643-2 du Code de commerce qui autorise les créanciers inscrits sur un bien à réaliser celui-ci en cas d'inaction du liquidateur - et il appréhendera pour le compte de la procédure collective l'intégralité du prix de vente. L'indivision est ici dominée par la procédure collective qui l'a précédée.

3) Le tribunal peut décider souverainement la réouverture d'une liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif, aux fins de poursuivre une procédure engagée pourtant antérieurement au jugement prononçant la clôture et tendant à l'allocation de dommages-intérêts.


Cass. crim., 27 janv. 2010, n° 09-87.361, F-P+B, G. 

Cette interprétation de l'article L. 643-13 institué dans l'intérêt des créanciers, autorise la réouverture d'une liquidation judiciaire clôturée pour poursuivre une action déjà engagée avant la clôture et tendant à l'allocation de dommages-intérêts.

Pourtant, le jugement prononçant la clôture des opérations de liquidation judiciaire du débiteur est par principe définitif, à l'exception des voies de recours.

Cependant, selon l'article L. 643-13 du Code de commerce, dans l'hypothèse de la clôture pour insuffisance d'actif, la liquidation judiciaire peut être reprise par exception dans deux cas limitativement énumérés. En effet, il est ouvert au tribunal la possibilité de prononcer la réouverture d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif lorsque des « actifs n'ont pas été réalisées ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure ». La reprise, dans les deux cas, motivée par l'intérêt des créanciers, n'est pas de droit et est laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond. L'article L. 643-13 du Code de commerce prévoit donc limitativement deux cas de réouverture.          

4)  le défaut d'envoi de l'avertissement prévu à l'article R. 622-21 du Code de commerce au créancier lui-même ou, s'il est en liquidation judiciaire, à son liquidateur n'a pas pour effet de dispenser le créancier retardataire ou son liquidateur, ès qualités, d'établir qu'avant l'expiration du délai de déclaration des créances, sa défaillance n'était pas due à son fait,

Cass. com., 8 juin 2010, n° 09-15.769, P+B, (CA Paris, pôle 5, ch. 8, 19 mai 2009). - Cassation

Le défaut d'envoi de l'avertissement prévu à l'article R. 622-21 du Code de commerce au créancier lui-même ou, s'il est en liquidation judiciaire, à son liquidateur n'a pas pour effet de dispenser le créancier retardataire ou son liquidateur, ès qualités, d'établir qu'avant l'expiration du délai de déclaration des créances, sa défaillance n'était pas due à son fait.

La cour d'appel a violé les articles L. 622-26 et L. 631-14 du Code de commerce dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises et l'article R. 622-21 du Code de commerce.

 

 

 

 

VI/ GARANTIES ET SURETES:

 

1) Caution : quelle sanction pour la disproportion ?

Le litige opposait une caution, personne physique, gérante d'une société, à un établissement de crédit. L'article L. 341-4 du Code de la consommation dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003, était donc applicable.

La Cour de cassation vient de rappeler que, selon  cet article, 

"la sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement".

Ce dont la Chambre commerciale déduit que "cette sanction, qui n'a pas pour objet la réparation d'un préjudice, ne s'apprécie pas à la mesure de la disproportion".

 

VII / DROIT DE LA FAMILLE, SUCCESSIONS, DROIT DES PERSONNES

 

1) L'industrie personnelle d'un indivisaire ayant amélioré un bien indivis ne donne pas lieu à remboursement.

Cass. 1re civ., 23 juin 2010, n° 09-13.688, P+B+I


A la suite d'une séparation, une épouse demande le partage de l'immeuble qu'elle avait acquis en indivision avec son mari. Les juges du fond lui accordent une certaine somme d'argent, plus de trois fois supérieure à celle accordée à son mari, correspondant au montant de ses droits dans l'indivision.

A l'appui de son pourvoi, l'époux se prévaut de l'ancien article 815-13 du Code civil disposant que "Lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité (...)".

La Cour de cassation approuve les juges du fond et énonce "que l'activité personnelle déployée par un indivisaire ayant contribué à améliorer un bien indivis ne peut être assimilée à une dépense d'amélioration, dont le remboursement donnerait lieu à application de l'article 815-13 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 23 juin 2006".

En conséquence, l'indivisaire peut seulement prétendre à la rémunération de son activité, conformément à l'article 815-12 du même code.

VIII/ ASSOCIATIONS & FONDATIONS

 

IX/ PROCEDURE

 

1) Le juge doit rechercher la loi applicable:

Tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, le juge commettrait un déni de justice et méconnaîtrait les dispositions de l'article 12 du Code de procédure civile s'il rejetait une demande au motif que son auteur n'en précise pas le fondement juridique et qu'il n'appartient pas au tribunal de se substituer à lui pour ce faire (CA Paris, 25 avr. 1986 : Gaz. Pal. 1987, 2, p. 800. - V. chron. Ph. Bertin, L'indication du fondement juridique de la demande : un atout superflu ? : Gaz. Pal. 1987, 2, doctr. p. 839. - G. Bolard, Dalloz Action Procédure civile, n° 221-121. - L. Cadiet et E. Jeuland, n° 541. - S. Guinchard, F. Ferrand et C. Chainais, n° 687. - H. Croze, C. Morel et O. Fradin, n° 442. - L. Raschel, thèse préc., n° 305).

En pareille occurrence, en effet, le juge doit, avant de statuer, "faire le tour de la question", appréhender les circonstances "sous tous les aspects qu'elles peuvent revêtir" (Cass. 2e civ., 11 févr. 1954 : Bull. civ. 1954, II, n° 54. - Cass. com., 31 mars 1981 : Bull. civ. 1981, IV, n° 169 ; Gaz. Pal. 1981, 2, pan. jurispr. p. 225), les examiner "à la lumière des diverses règles susceptibles de la régir" (Cass. 2e civ., 24 févr. 1966 : Bull. civ. 1966, II, n° 264), jusqu'à ce qu'il ait découvert la règle adéquate ou se soit assuré qu'aucune des règles possibles ne trouvait son support dans les faits allégués (V. encore, Cass. 2e civ., 3 oct. 1963 : Bull. civ. 1963, II, n° 579. - Cass. 1re civ., 31 mai 1965 : Bull. civ. 1965, I, n° 351. - Cass. 1re civ., 15 janv. 1980 : Bull. civ. 1980, I, n° 27 ; RTD civ. 1980, p. 600, obs. J. Normand. - Cass. 2e civ., 11 févr. 1981 : Bull. civ. 1981, II, n° 30. - Cass. 1re civ., 19 juin 1984 : Bull. civ. 1984, I, n° 205 ; JCP G 1984, IV, p. 278 ; Gaz. Pal. 1985, 1, pan. jurispr. p. 87. - Cass. 2e civ., 18 juill. 1984 : Bull. civ. 1984, II, n° 136 ; JCP G 1984, IV, p. 309. - Cass. 3e civ., 28 mai 1986 : Bull. civ. 1986, III, n° 82 ; Gaz. Pal. 1987, 1, somm. p. 19, obs. H. Croze et Ch. Morel. - TGI Le Mans, 21 juin 1983 : Gaz. Pal. 1984, 1, somm. p. 187. - Cass. 3e civ., 6 févr. 1991 : Bull. civ. 1991, III, n° 48. - Cass. com., 15 oct. 1991 : Bull. civ. 1991, IV, n° 294 ; JCP G 1991, IV, p. 458. - Cass. 3e civ., 27 juin 2006, n° 05-15.394 : JurisData n° 2006-034326 ; Procédures 2006, comm. 266, par R. Perrot : "en l'absence de toute précision dans les écritures sur le fondement de la demande, les juges du fond doivent examiner les faits, sous tous leurs aspects juridiques, conformément aux règles de droit qui leur sont applicables". - J. Moury, Les moyens de droit à travers les articles 12 et 16 du [...] Code de procédure civile, p. 105).

Ainsi, lorsque, sans autre précision sur le fondement de ses prétentions, le maître de l'ouvrage demande que le sous-traitant l'indemnise des malfaçons affectant sa villa, le juge ne peut, sans violation de l'article 12, alinéa 1, le débouter pour le seul motif qu'il ne pouvait rechercher directement la responsabilité d'une entreprise avec laquelle il n'avait aucun lien de droit (Cass. 3e civ., 21 janv. 1987 : Bull. civ. 1987, III, n° 10 ; JCP G 1987, IV, p. 101 ; Gaz. Pal. 1987, 1, pan. jurispr. p. 54 ; RTD civ. 1987, p. 390, obs. J. Normand). Étant admis que les parties n'étaient point liées par contrat, la cour aurait dû vérifier si la responsabilité du sous-traitant ne pouvait être engagée sur le terrain délictuel (V. par ex., Cass. com., 17 févr. 1981 : Bull. civ. 1981, IV, n° 87), rechercher, par exemple, s'il n'avait pas commis une faute en acceptant de réaliser un ouvrage mal conçu.

De même le juge ne peut-il débouter une banque au seul motif qu'elle n'indique pas sur quoi elle se fonde pour demander le paiement de factures, et qu'il ne lui appartient pas de rechercher d'office les dispositions légales de nature à justifier la demande (Cass. com., 26 oct. 1993 : Bull. civ. 1993, IV, n° 365 ; JCP G 1993, IV, n° 2736).

Les développements qui précèdent n'autorisent à ce propos aucune hésitation : le juge doit qualifier, rechercher de son propre mouvement la ou les règles applicables à l'espèce.

2) Question prioritaire de Constitutionnalité:

Le Conseil d'Etat a transmis au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité relative à la procédure administrative d'expulsion des gens du voyage.

En cause : les articles 9 et 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage. Selon ces articles, dès lors qu'une commune remplit les obligations relatives à la mise en place des structures immobilières dédiées à l'accueil des gens du voyage, son maire peut, par arrêté, interdire sur la commune, le stationnement en dehors des zones d'accueil aménagées des résidences mobiles. Un pouvoir de mise en demeure d'avoir à quitter les lieux lui est par ailleurs octroyé, afin de procéder, sans l'accord du juge judiciaire, à l'évacuation forcée des lieux.

La liberté de stationnement est-elle un élément de la liberté de circulation ? Et si oui, ces dispositions, qui imposent une résidence prédéterminée obligatoire, sont-elles une entrave à la liberté de stationnement ? Par ailleurs, n'y a-t-il pas discrimination à ne prévoir qu'une application aux gens du voyage ?

Le Conseil d'Etat considère qu'il y a atteinte au principe d'égalité devant la loi et accepte de transmettre l'étude de ces dispositions au Conseil constitutionnel.

CE, 28 mai 2010, n° 337840, publié au recueil Lebon

3) Prescription- Procédures collectives- interruption de la prescription- décision d'irrecevabilité (non)

Cass. Com.  26 mai 2010

L'assignation en redressement judiciaire ou en liquidation interrompt la prescription au bénéfice du créancier.

Toutefois le rejet de la demande pour irrecevabilité entraîne la perte de l'effet interruptif de l'assignation en ouverture de redressement judiciaire et  la perte de l'effet interruptif de la déclaration de créance.

Or, il convient de rappeler qu'une demande entachée d'un vice de procédure interrompt la prescription (article 2241 § 2 Code civil)

La sanction est donc plus sévère en cas d'irrecevabilité de la demande qu'en cas de nullité pour vice de fond ou vice de forme.

 

 

X/ DIVERS

1) Dénonciation calomnieuse : le commissaire aux comptes est une "autorité"

Cass. crim., 26 mai 2010, n° 10-80.392, P

La dénonciation mensongère d'un ABS au commissaire aux comptes tombe sous le coup de l'article 226-10 du Code pénal.

L'article 226-10 du Code pénal punit de cinq ans de prison et 45 000 euros d'amende celui qui aura dénoncé de façon mensongère un fait de nature à entraîner des sanctions judiciaires à la police ou à une "autorité" ayant le pouvoir d'y donner suite ou de saisir l'autorité compétente.

Dans un arrêt du 26 mai dernier, la Cour de cassation vient de décider que le commissaire aux comptes d'une société "est une autorité, au sens de l'article 226-10 du Code pénal, l'article L. 823-12 du Code de commerce lui faisant obligation de révéler au procureur de la République les faits délictueux dont il peut avoir connaissance dans l'exercice de sa mission".

Une dénonciation mensongère au commissaire aux comptes, par un directeur administratif et financier, d'abus de biens sociaux commis par un dirigeant, est donc pénalement répréhensible au titre de la dénonciation calomnieuse.

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