I/ DROIT BANCAIRE

1) Cautionnement disproportionné et qualité des parties:

Cour de Cassation ch. Com. 2 octobre 2012 n°11-28331

Nouvelle illustration de la problématique de la caution avertie ou non.

La caution avertie ne peut invoquer un cautionnement disproportionné que lorsque le créancier a eu sur des revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles des informations qu'elle-même aurait ignorées. (Arrêt Nahoum du 8 octobre 202 n°99-18.619).

Les dirigeants sociaux sont présumés cautions averties (CC com. 8 mars 2011, n°10-30656).

Les professionnels du droit sont également considérés comme des cautions averties (CC civ. 1 13 novembre 2008, n°07-15172).

La jurisprudence considère qu'un salarié exerçant en qualité de clerc comptable doit être considéré comme ayant une connaissance des mécanismes financiers et doit donc être qualifié d'emprunteur averti, (Cass, Commerciale 27.09. 2011, n°10-23.390).

En revanche les solutions sont plus incertaines pour l'associé d'une société (CC com. 3 février 2009, n°07-19778)

S'agissant du conjoint du dirigeant de l'entreprise débitrice principale, la Cour de Cassation recherche si le conjoint à eu une qualité spécifique au sein de l'entreprise.

Dés l'instant où la caution n'est pas considérée comme avertie, elle peut se prévaloir de l'exigence de proportionnalité, telle que dégagée par l'arrêt MACRON CC com 17 juin 1997 n°95.14105)

La question de la détermination de la disproportion relève du pouvoir souverain des juges du fond. Il n'y a pas de doute que les revenus de la caution, le montant des échéances de ses crédits sont pris en considération, dans le présent arrêt la Cour de Cassation, refuse de prendre en compte les revenus du concubin de la caution.

2) Précisions sur la prescription de l'action en mainlevée de l'opposition au paiement du chèque:
Cass. com., 27 nov. 2012, no 11-19.864, P+B

Il résulte de l'article L. 131-59, alinéa 2 in fine du code monétaire et financier que le bénéficiaire d'un chèque peut agir en mainlevée de l'opposition tant que celle-ci garde effet, jusqu'à la prescription de l'action contre le tiré. L'assignation en mainlevée de l'opposition interrompt la prescription de l'action contre le tiré.
La loi no 2008-561 du 17 juin 2008 a réformé la prescription en matière civile en maintenant les «règles spéciales prévues par d'autres lois» (C. civ., art. 2223).
Les articles L. 131-59 et L. 131-60 du code monétaire et financier, relatifs à la prescription des actions en matière de chèque, font partie de ce domaine réservé.
L'application de ces dispositions est source d'un contentieux rarement porté devant la Cour de cassation. D'où l'importance de l'arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 27 novembre 2012.
La Cour de Cassation affirme, dans un attendu de principe, au visa de l'article L. 131-59, alinéa 2 in fine, du code monétaire et financier: «qu'il résulte de ce texte que le bénéficiaire d'un chèque peut agir en mainlevée de l'opposition tant que celle-ci garde effet, jusqu'à la prescription de l'action contre le tiré ».
Par un autre attendu, la Cour ajoute que l'assignation en mainlevée de l'opposition avait interrompu la prescription de l'action contre le tiré.

3) Le gérant qui se porte de la société caution de la société qu'il dirige doit être considéré comme une caution avertie, même si son activité ne destine pas à avoir des compétences particulières dans le domaine financier (horticulteur en l'espèce)

Cour de Cassation, Ch. Com.18 juin 2013 Pourvoi n° 12-19.867
Arrêt n° 627 cassation partielle

La CRCAMNE a octroyé à une société civile d'exploitation agricole X... divers concours dont M. et Mme X...et M. Y se sont rendus cautions solidaires ;

La société ayant été placée en redressement judiciaire, la caisse, après avoir déclaré ses créances, a assigné en paiement les cautions qui ont recherché sa responsabilité pour manquement à son devoir de mise en garde ;

Vu l'article 1147 du code civil Attendu que pour retenir à l'encontre de la banque un manquement à son devoir de mise en garde, l'arrêt relève que, bien qu'il fût gérant de la société depuis le 31 mars 1993, M. Y, exerçant la profession d'horticulteur, ne pouvait, lors de la souscription des cautionnements litigieux, être considéré comme un professionnel averti susceptible d'apprécier seul la portée de ses engagements ;

Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à établir que M. Jean-Jacques X... aurait été une caution non avertie, de sorte que la banque n'aurait pas été tenue à un devoir de mise en garde à son égard, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE,

4) Caution et responsabilité bancaire: L'appréciation du caractère disproportionné(ou non) de l'engagement de la caution, doit s'apprécier au moment de la souscription de l'engagement de caution.
La caution gérante majoritaire doit être considérée comme une caution avertie. Elle n'est pas fondée à reprocher à la banque d'avoir manqué à son obligation de mise en garde.
Cour d'appel de Paris Pôle 5 Chambre 2, 21 juin 2013 No Répertoire général : 11/04439


II/ DROIT IMMOBILIER, CONSTRUCTION

1) Le locataire ne doit pas cesser de payer le loyer au moindre problème:

Cour de Cassation 3ème ch. civ. 23 mai 2013 n°571

La Cour de Cassation rappelle que le locataire ne doit pas cesser de payer son loyer au moindre trouble. Celui qui prend cette initiative prend le risque de voir le juge résilier le bail à ses torts et de devoir indemniser le Bailleur.

En effet, si la jouissance paisible des lieux a été troublée par le fait du propriétaire qui n'a pas assumé ses obligations, la jurisprudence n'autorise pas pour autant le locataire à suspendre ses paiements. Elle ajoute que la consignation des loyers entre les mains d'un tiers " ne vaut pas paiement". Ne pas payer les loyers revient à se faire justice à soi même ce qui est interdit.


2) Bail dérogatoire et maintien dans les lieux du preneur au-delà du terme:

Cass. 3e civ., 5 juin 2013, n° 11-19.634

Un bail dérogatoire a été consenti à compter du 1er septembre 2003 pour se terminer le 30 juin 2005. Après avoir délivré congé au preneur, celui-ci est resté dans les lieux et a assigné son bailleur pour bénéficier d'un bail soumis au statut des baux commerciaux après l'échec des négociations.
Pour accueillir cette demande, l'arrêt retient qu'il s'est écoulé plus de 20 mois entre la fin des pourparlers et la date à laquelle le bailleur a été assigné par le locataire et que cette inaction doit être considérée comme constitutive d'un accord tacite du bailleur sur le maintien dans les lieux de la locataire.
Alors que la cour d'appel d'Aix-en-Provence avait constaté que le bailleur avait, avant le terme du bail, délivré congé à la locataire et que la renonciation à un droit ne se déduit pas de la seule inaction ou du silence de son titulaire, l'arrêt est cassé pour violation de l' article L. 145-5 du Code de commerce .

3) Bail commercial, le congé donné par erreur par le locataire emporte tous ses effets:
Cass. 3e civ., 5 juin 2013, n° 12.12-065
La société locataire de locaux à usage commercial a, par acte du 3 juin 2003, fait signifier par huissier de justice un congé pur et simple à effet au 31 décembre 2003, puis le 6 juin 2003, a fait signifier par huissier de justice une demande de renouvellement de bail annulant et remplaçant le congé déjà délivré.
Le 6 juin 2003, le bailleur avait accepté le congé, mais le 26 juin 2003 a fait signifier à son locataire un acte refusant le renouvellement sans indemnité d'éviction au vu du congé délivré.
La société locataire a assigné sa bailleresse et l'huissier pour annuler le congé du 3 juin 2003.
Retenant que la nullité des actes d'huissier de justice était régi par les dispositions qui gouvernent les actes de procédure et que la nullité d'un congé ne pouvait être prononcée au motif que l'huissier aurait agi en dehors de son mandat, ou que cet acte aurait été délivré par erreur et en l'absence de consentement, et relevant que l'huissier de justice avait mal exécuté le mandat qui lui avait été donné, c'est à bon droit que la cour d'appel de Lyon en a exactement déduit que l'absence d'intention de la société locataire ne constituait pas une irrégularité de fond de l' article 117 du Code de procédure civile et a légalement justifié sa décision de retenir que l'acte du 3 juin 2003 avait produit ses effets.
4) Centre Commercial: Dépérissement de l'immeuble objet d'un bail commercial et obligation du bailleur
Cass. 3e civ., 19 déc. 2012, no 11-23.541, P+B

Le défaut d'entretien des parties communes d'un centre commercial, accessoires nécessaires à l'usage de la chose louée, est un manquement grave aux obligations légales du bailleur.
En vertu de l'article 1719 du code civil

« le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, d'entretenir la chose louée en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail ».

Ainsi, le propriétaire d'une ancienne galerie commerciale ne peut renoncer à son entretien alors qu'un commerçant y loue toujours un local, bien qu'il soit le dernier locataire.
La Cour de cassation a donc jugé que le dépérissement de l'immeuble et le défaut d'accès aux toilettes et aux parkings étaient constitutifs de manquements graves du bailleur, de nature à justifier la résiliation du bail à ses torts ainsi que l'indemnisation de la société locataire, sans qu'il ne soit nécessaire de rechercher des stipulations particulières du bail en ce sens.

Ainsi, la Cour rattache les parties communes aux droits d'usage et de jouissance conférés au preneur à bail.


5) Bail commercial: Loyer progressif par pallier: bail de 9 ans, attention à l'application du plafonnement (article L145-34 code de commerce):

CC 3, 6 mars 2013, n°12-13.962

Dans l'hypothèse d'un bail prévoyant un loyer qui augmente par paliers successifs, la Cour de Cassation rappelle que, sauf clause contraire insérée dans le bail, la règle du plafonnement doit s'appliquer et que c'est le loyer initial acquitté par le preneur lors de la prise d'effet du bail expiré, qui sert de référence pour la fixation du prix du bail renouvelé. (CC civ3, 17 mai 2006 n°05-11.685)

En cas de fixation d'un loyer qui augmente par paliers, il est donc important de bien préciser dans le bail quel sera le loyer qui servira de référence pour les indexations et en cas de renouvellement.

La règle du plafonnement n'est pas d'ordre public, les parties peuvent prévoir dés la conclusion du bail, les modalités de fixation du loyer en renouvellement (CC civ.3, 27 octobre 2004 n°03-15.769).

 

 


III/ DROIT DE LA RESPONSABILITE

1) Responsabilité contractuelle et résiliation: droit de la consommation:

Est abusive une clause de contrat qui ne prévoit pas de possibilité de résilier pour motif légitime et impérieux
Cass. com., 13 déc. 2012, no 11-27.766, P+B+I


IV/ VOIES D'EXECUTION ET MESURES CONSERVATOIRES


V/ ENTREPRISES EN DIFFICULTE

1) Réalisation d'actifs en liquidation Judiciaire et biens indivis:

Cour de Cassation 1ère ch civ. 20 mars 2013 n°11.26.241

Dés lors que la cession des biens et droits immobiliers indivis de deux époux, dont l'un fait l'objet d'une liquidation judiciaire, ordonnée par le Juge Commissaire, n'est pas intervenue, l'action en partage introduite par un créancier commun aux époux et à un troisième co indivisaire in bonis, est recevable.

2) Inconstitutionnalité de la Saisine d'office du tribunal pour l'ouverture d'un redressement judiciaire
Cons. const. QPC, 7 déc. 2012, no 2012-286

Sur une QPC (Question Prioritaire de Constitutionnalité) émanant de la Cour de Cassation(
Cass. com., 16 oct. 2012, nos 12-40.061 à 12-40.065), le Conseil constitutionnel s'est prononcé, au regard des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif, en déclarant inconstitutionnelle la saisine d'office du tribunal de commerce pour l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de l'article L. 631-5 du code de commerce:

« ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition ne fixent les garanties légales ayant pour objet d'assurer qu'en se saisissant d'office le tribunal ne préjuge pas sa position lorsque, à l'issue de la procédure contradictoire, il sera appelé à statuer sur le fond du dossier au vu de l'ensemble des éléments versés au débat par les parties ».

Cette déclaration d'inconstitutionnalité prend effet à compter de la date de publication de la décision du Conseil et est applicable à tous les jugements d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire rendus postérieurement à cette date.

On peut dès lors s'interroger sur le devenir de l'article L. 640-5 du code de commerce qui prévoit cette même faculté de saisine d'office, mais pour l'ouverture d'une liquidation judiciaire.


3) Le simple refus du débiteur, de signer la proposition d'admission de créances ne constitue pas une contestation de créance.

Cass. com., 8 janv. 2013, no 11-22.796, P+B
Le débiteur qui refuse de signer la proposition d'admission de créances soumise par le mandataire judiciaire sans formuler d'observation explicite n'est pas auteur d'une contestation valable.

Par cet arrêt, la Cour pose des bornes au respect du principe du contradictoire dans la procédure d'admission des créances lors d'une de liquidation judiciaire. En l'espèce, un débiteur avait refusé de signer la proposition d'admission de créances du mandataire judiciaire sans donner d'explication concrète. Le juge commissaire, n'ayant été saisi d'aucune contestation a admis les créances au passif, décision à l'origine du pourvoi en cassation en cause.

La Cour précise que le débiteur qui n'a pas soulevé de contestation concrète et explicite n'a pas à être convoqué par le juge-commissaire lorsqu'il se prononce sur l'admission des créances et ne dispose d'aucun recours contre cette décision.

En effet, seules les décisions du juge commissaire rendues sur contestation sont susceptibles d'appel ; et le simple refus de signature n'est pas constitutif d'une contestation.

Cette décision, rendue sous l'empire de la loi de 1985 (L. no 85-98, 25 janv. 1985), n'est nullement remise en cause par la nouvelle législation de 2005 (L. no 2005-845, 25 juill. 2005)

Il s'agit d'une confirmation d'une jurisprudence énonçant que l'appel du débiteur n'est pas recevable contre la décision d'admission d'une créance prise par le juge-commissaire, si le débiteur n'a pas antérieurement soumis au mandataire judiciaire sa contestation relative à la créance litigieuse (cf. Cass. com., 4 févr. 1992, no 90-12.674, Cass. com., 3 oct. 2000, no 97-21.584)

4) Irrecevabilité de l'action paulienne engagée par le liquidateur à l'encontre d'une déclaration notariée d'insaisissabilité:

CC com. 23 avril2013, n°12-16.035)

La Cour de Cassation approuve la Cour d'Appel de Versailles (12 janvier 2012 n°11/05495) d'avoir déclaré irrecevable le liquidateur qui a agi en action paulienne contre la déclaration notariée d'insaisissabilité publiée à la conservation des hypothèques par le débiteur.

En effet la Cour estime que le liquidateur ne peut agir que dans l'intérêt collectif des créanciers (art. L622.20 a.1er, L 631-14, L 641-4 a.3 code de commerce) et pas seulement dans l'intérêt de quelques uns, ou du groupe de créanciers auxquels la déclaration serait opposable.

Or la déclaration d'insaisissabilité ne préjudicie qu'aux créanciers professionnels dont la créance est née postérieurement à la dite déclaration.

 

 

 


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