BAUX COMMERCIAUX BILAN DE L'ANNEE 2016

1) Application dans le temps de la Loi PINEL

Dans sa réponse ministérielle n°93154, JOAN Q du 31 mai 2016, la secrétaire d'Etat chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire considère que les nouvelles dispositions de l'article L.145-4 (sur l'interdiction des clauses dérogatoires à la résiliation triennale) sont applicables à tous les baux commerciaux, y compris ceux conclus avant le 20 juin 2014.

La Cour d'appel d'Agen, dans son arrêt du 16 novembre 2016 (n° 15/01619) a, dans ce même esprit, jugé que le bail en cours de renouvellement doit être différencié du bail définitivement renouvelé ce qui implique que le bail renouvelé prenant effet avant la loi nouvelle lui est soumis s'il est conclu après le 31 août 2014 c'est-à-dire si le jugement et l'expiration du délai d'appel sont postérieurs à cette date.

Cette réponse ministérielle et cet arrêt sont critiqués par une partie de la doctrine.

+ jurisprudence contra : jugeant que la loi du 18 juin 2014 ne s'applique pas aux contrats en cours :

Cour d'Appel de Poitiers : 26 avril 2016 et
Cour d'appel de Paris : 10 février 2016 (Les dispositions de la loi Pinel du 18 juin 2014, quoique d'application immédiate, ne sont pas applicables aux procédures en cours)
CAP PARIS 23 mai 2016 idem
Cour d'appel de Versailles : 4 octobre 2016
Aix-en-Provence : 11 octobre 2016 et 16 octobre 2016

2) Co-preneur - la résiliation de l'un n'affecte pas le bail dans son entier 

  •  Cour de cassation, chambre civile 3, 23 juin 2016 (n° 15-12453) (cassation)  

La résiliation décidée dans le cadre du redressement judiciaire de l'un des co-preneurs n'affecte pas le bail dans son entier et n'a pas d'effet à l'égard de l'autre co-preneur considérant que « l'engagement des co-preneurs était stipulé - conjoint et solidaire - et que, sauf stipulation conventionnelle expresse, la résiliation du bail par la volonté de l'un ne pouvait suffire à mettre fin au contrat à l'égard de l'autre » 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 15 décembre 2016 (n° 15-25240) 

Sauf stipulation conventionnelle expresse, la seule volonté d'un locataire de résilier le bail ne peut suffire à mettre fin au contrat à l'égard des autres co-preneurs ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'en l'absence de clause du bail stipulant le contraire, la résiliation du bail par le liquidateur de la société SEPRM n'était pas de nature à mettre fin au bail à l'égard de M. X, co-preneur, peu important que la société SEPRM fût seule exploitante de l'activité prévue au bail, la cour d'appel a violé l'article 1134 (dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016)

3) Enregistrement des avenants

Sur l'intérêt de faire enregistrer les avenants pour les rendre opposables aux tiers, et en l'espèce à l'acquéreur de l'immeuble : 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 6 octobre 2016 (N°15-20360) (rejet) 

« Mais attendu qu'ayant retenu d'une part, que les avenants du 27 mars 1993, invoqués par les bailleurs, n'avaient pas date certaine, d'autre part, qu'il n'était pas établi que la société Erick Augier en avait connaissance et que l'acte de cession de fonds de commerce ne se référait qu'au bail renouvelé conclu le 29 octobre 2006 sans faire mention des accords précités relativement aux travaux, la cour d'appel a exactement déduit, de ces seuls motifs, que ces accords étaient inopposables à la locataire. »

4) Mandat apparent 

  • Cour de cassation, chambre civile 1, 6 avril 2016 (N°15-16446) (rejet)

Le fait que le fils du propriétaire ait signé à sa place, ne dispense pas le co-contractant pas de vérifier les pouvoirs du signataire.

« Mais attendu que l'arrêt relève que le contrat de location du 23 mars 2006 mentionne Mme X en qualité de propriétaire, que son cachet est apposé sur la signature et qu'il n'est fait mention d'aucun pouvoir pour la représenter à l'acte ; que la cour d'appel a pu déduire des faits ainsi constatés qu'ils n'autorisaient pas la société Mediastream distributeur, preneur agissant pour les besoins de son activité professionnelle, à se dispenser de vérifier les limites exactes des pouvoirs de M ; X ..., la circonstance qu'il soit le fils de la propriétaire des locaux donnés à bail ne suffisant pas à justifier une croyance légitime qu'étant le signataire de l'acte, il avait reçu mandat à cet effet ; »

5) Baux dérogatoires, Revendication du statut et immatriculation 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 9 juin 2016 (N°15-15416) (rejet) 

La date d'immatriculation du Registre du commerce et des sociétés (permettant en l'espèce de revendiquer le bénéfice du statut des baux commerciaux à l'expiration d'un bail dérogatoire) doit être vérifiée à la date de la demande en justice.

« La cour d'appel, ..., en a exactement déduit que la locataire, qui n'était pas régulièrement immatriculée au registre du commerce et des sociétés à la date de sa demande en justice, ne pouvait bénéficier d'un bail commercial soumis au statut. »


6) Commandement de payer visant la cause résolutoire et bonne foi 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 17 mars 2016 (N°14-29923) (rejet) 

Un commandement de payer imprécis ou confus est considéré comme délivré de mauvaise foi et annulé par les Tribunaux.

« Mais attendu qu'ayant, par une décision motivée, souverainement retenu que les mentions et indications figurant dans les deux commandements étaient de nature à créer, dans l'esprit de la locataire, une confusion l'empêchant de prendre la mesure exacte des injonctions faires et d'y apporter la réponse appropriée dans un délai requis, la cour d'appel a pu en déduire que ces commandements devaient être annulés. » 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 8 septembre 2016 (N°13-28063) (cassation) 

« Qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si la clause résolutoire, délivré alors que le bailleur savait que la locataire devait réaliser des travaux d'aménagement intérieur, n'avait pas été mise en œuvre de mauvaise foi, la cour d'appel n'a pas donné de base légal à sa décision. »

 7) Procédure collective - Plan de cession - Clauses de formalités non applicables 

  • Cour de cassation, chambre commerciale, 1er mars 2016 (N°14-14716) (cassation) 

Les clauses de formalités prévues dans les baux subordonnant la cession à l'accomplissement de formalités particulières (exemple forme authentique) sont écartées en cas de cession judiciaire forcée du bail commercial en exécution du plan de cession arrêté à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

8) Immatriculation et activité exercée 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 22 septembre 2016 (N°15-18456) (cassation) 

Pour invoquer le droit au renouvellement et au paiement d'une indemnité d'éviction, le preneur doit être immatriculé au registre du commerce et des sociétés non seulement à la bonne date et à la bonne adresse mais aussi pour l'activité autorisée par le bail et réellement exercée dans les lieux loués.

9) Travaux prescrits par l'administration 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 1er décembre 2016 (N°15-22248) 

Les travaux prescrits par l'administration (en matière d'hygiène et de sécurité) sont à la charge du bailleur

10) Indexation du loyer 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 14 janvier 2016 (N° pourvoi : 14-24681) (rejet) 

En l'espèce, le bail comportait une clause prévoyant que le loyer sera ajusté automatiquement, pour chaque période annuelle, en fonction des variations de l'indice du coût de la construction, à la date anniversaire de la prise d'effet du bail sur la base de l'indice du même trimestre et précisant en son dernier paragraphe que : « la présente clause d'échelle mobile ne saurait avoir pour effet de ramener le loyer révisé à un montant révisé à un moment inférieure au loyer de base précédant la révision. »

« Mais attendu, d'une part, qu'est nulle une clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse ; qu'ayant relevé, par motifs adoptés, que la clause excluait, en cas de baisse de l'indice, l'ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l'indice publié dans le même temps, la cour d'appel, qui a exactement retenu que le propre d'une clause d'échelle mobile était de faire varier à la hausse et à la baisse et que la clause figurant au bail, écartant toute réciprocité de variation, faussait le jeu normal de l'indexation, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision. »

11) Loyer - Révision - Calcul de la variation du loyer en présence d'avenants successifs 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 17 mars 2016 (N°14-26009) (rejet) 

Le loyer de référence à prendre en compte est celui fixé par l'avenant.

« Lorsque les parties à un bail commercial décident d'étendre l'assiette du bail et concluent un avenant portant le loyer à un moment supérieur au loyer initial en considération notamment de cette extension, la modification du loyer opérée par cet avenant doit être considérée comme le prix précédemment fixé contractuellement au sens de l'article L.145-39 du code de commerce relatif à la révision du prix du bail en présence d'une clause d'échelle mobile. »

12) Révision - Loyer de référence 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 15 décembre 2016 (N°15-23069) (rejet) 

Le loyer initial du bail en cours est à prendre en compte.

« Mais attendu qu'ayant relevé que la demande de renouvellement notifiée par la locataire, le 24 décembre 2009, avait mis fin au bail du 20 octobre 1999 et qu'un nouveau bail avait pris effet le 1er janvier 2010, définissant un nouveau loyer, fût-il égal au montant du loyer qui était en cours sous le précédent bail, et retenu à bon droit que le loyer à prendre en considération pour apprécier la variation d'un quart permettant d'exercer l'action en révision de l'article L.145-39 du code de commerce était le loyer initial du bail en cours à la date de la demande de révision, la cour d'appel en a exactement déduit qu'à défaut de variation d'un quart du loyer entre le 1er janvier 2019 et le 1er juillet 2010, la demande de révision était irrecevable. »

13) Loyer binaire 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 3 novembre 2016 (deux arrêts) (n° 15-16826 et 15-16827) 

« La stipulation selon laquelle le loyer d'un bail commercial est composé d'un loyer minimum et d'un loyer calculé sur la base du chiffre d'affaires du preneur n'interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative. »

La Cour précise que « dans ce cas, le juge statue selon les critères de l'article L.145-33 du code de commerce, notamment au regard de l'obligation contractuelle du preneur de verser, en sus du minimum garanti, une part variable, en appréciant l'abattement qui en découle ». 

14) Jugement fixant le montant du loyer du bail renouvelé - Titre exécutoire 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 6 octobre 2016 (N°15-12606) (rejet) 

Le jugement fixant le montant du loyer du bail renouvelé constitue un titre exécutoire qui peut être exécuté (pour recouvrer le trop perçu des loyers) ;

15) Droit de repentir 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 14 avril 2016 (N°14-29963) (cassation) 

Le bailleur qui entend se soustraire au paiement de l'indemnité d'éviction en consentant au renouvellement du bail doit rembourser au locataire la totalité des frais taxables et non taxables que celui-ci a exposés jusqu'au terme de l'instance pendant laquelle le repentir est exercé. 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 11 février 2016 (N° pourvoi : 14-28091) (cassation) 

Le preneur qui exerce son droit au maintien dans les lieux en l'attente de la fixation judiciaire de l'indemnité d'éviction, reste tenu de régler le loyer transformé automatiquement en indemnité d'occupation sans que le bailleur soit tenu d'en faire la demande.

16) Sous-location 

  • Cour de cassation, chambre civile 3, 17 mars 2016 (N° pourvoi : 14-24748) (rejet) 

La haute juridiction a estimé que le fait que le contrat de sous-location soit conclu pour une durée inférieure à celle restant à courir du au contrat de bail principal n'avait pas pour conséquence d'écarter le statut des baux commerciaux ;

« qu'ayant retenu que la durée prévue du sous-bail ne constituait pas une renonciation de l'une ou l'autre des parties aux dispositions des baux commerciaux qui imposaient la délivrance d'un congé par acte extra-judiciaire, la cour d'appel a par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision.

17) Bail commercial: Centre commercial: commercialité insuffisante et obligation de délivrance :

La Cour d'Appel rappelle qu'au titre de son obligation de délivrance, le bailleur n'est pas tenu à une obligation de commercialité, le Preneur ne démontre pas avoir été dans l'impossibilité d'utiliser les locaux conformément à leur destination et d'y exploiter son commerce

CAP PARIS POLE 1 CH 3 arrêt du 7 juin 2016 n°15/21233

18) La Cour d'appel de Paris a jugé que le Preneur ne peut pas reprocher au bailleur la cherté du loyer, lequel a été librement consenti, quand bien même il serait excessif au regard de l'état des locaux,

Concernant l'obligation de délivrance, il n'est pas démontré que le bailleur ait délivré un local impropre à sa destination.

Le bail prévoit que le Preneur fera son affaire personnelle des autorisations administratives qui seraient nécessaires à l'exercice de son activité dans les locaux, le tout de manière que le Bailleur ne soit jamais recherché ni inquiété à ce sujet.

Il appartient donc au Preneur d'obtenir lui-même de l'autorité administrative l'autorisation de recevoir du public.

CAP PARIS POLE 5 CH 3 arrêt du 20 mai 2016 n°14/07688
 

 

 

 

 


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